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World Gastroenterology Organisation Practice Guidelines

Prise en charge de la strongyloïdose

Février 2018

WGO Review Team
Michael Farthing (Royaume-Uni)
Marco Albonico (Italie)
Zeno Bisoffi (Italie)
Donald A.P. Bundy (Royaume-Uni)
Dora Buonfrate (Italie)
Peter Chiodini (Royaume-Uni)
Peter Katelaris (Australie)
Paul Kelly (Zambie)
Lorenzo Savioli (Suisse)
Anton Le Mair (Pays-Bas)
Jean-Jacques Gonvers (Suisse)

Aucun conflit d’intérêts
J.-J. Gonvers : aucun conflit d’intérêts

 


Contents

(Cliquez pour agrandir la section)

1. Algorithmes et éléments fondamentaux

1.1  Eléments fondamentaux du guideline

  • Le Strongyloides stercoralis est un helminthe transmis par le sol, mais avec un cycle de vie unique qui peut être achevé à l’intérieur de l’hôte humain par un processus appelé auto-infection.
  • Le poids de la maladie est considérable mondialement (300–400 millions d’infections). La strongyloïdose est le plus souvent prévalente dans les régions tropicales et subtropicales, mais il n’existe pas encore une stratégie globale afin de lutter contre le parasite.
  • L’infection peut être particulièrement grave, et peut être disséminée en dehors du tractus digestif, chez les patients immunodéprimés—chez ceux avec une infection par le virus du lymphome à cellules T de type I et chez ceux recevant un traitement immunosuppresseur.
  • Les signes cliniques sont parfois absents, mais peuvent s’avérer diagnostiques (larva currens) (migration intradermique). Les diarrhées et une malabsorption peuvent être présentes lors d’une infection chronique.
  • Dans le passé, le diagnostic se faisait habituellement par l’identification de larves dans les selles (méthode de Baermann), mais cette méthode a progressivement été remplacée par l’utilisation de kits sérodiagnostiques disponibles sur le marché.
  • Le traitement de choix est représenté par l’ivermectine à une dose unique de 200 µg/kg. L’albendazole est parfois utilisé comme traitement alternatif mais il s’est avéré sensiblement moins efficace et n’est ainsi pas à recommander.
  • Pour éviter la possibilité d’infection, il faudrait éviter tout contact cutané avec la terre contenant des larves.

1.2  Algorithmes OMG (WGO) pour le diagnostic et la prise en charge de la strongyloïdose

1.2.1 Algorithmes OMG (WGO)

Les algorithmes OMG (WGO) représentent un ensemble hiérarchique d’options diagnostiques, thérapeutiques et de gestion pour traiter le risque et la maladie, selon les ressources à disposition localement.

Les guidelines et les algorithmes OMG (WGO) visent à souligner les options de gestion appropriées, contextuelles et respectueuses des ressources à disposition pour chaque région géographique sans tenir compte du fait que les régions soient « développées » ou en voie de développement. Les algorithmes OMG sont respectueux du contexte, bien que le contexte n’est pas forcément défini seulement par les ressources à disposition.

Il est essentiel de disposer d’algorithmes tant pour le diagnostic que pour la prise en charge d’une strongyloïdose et ces algorithmes représentent la partie la plus importante du présent document. Un accent particulier est accordé aux catégories concernant les options de choix (« gold standard »), ainsi que celles qui concernent les régions à ressources moyennes et faibles. Nous avons également proposé un ou plusieurs algorithmes qui devraient permettre de guider le clinicien lors de l’anamnèse, de l’examen clinique, des examens diagnostiques et des options thérapeutiques.
 

1.2.2 Algorithmes OMG (WGO) pour le diagnostic de la strongyloïdose

1.2.3 Algorithme pour la prise en charge de la strongyloïdose

Pratiquement, il n’existe qu’une seule option thérapeutique pour le traitement d’une strongyloïdose quel que soit le niveau de ressources à disposition localement: l’ivermectine à dose unique. Dans le cas d’un échec de traitement et vu le manque d’évidence en faveur de traitements alternatifs, il est recommandé de répéter le traitement d’ivermectine sur deux jours.

2. Introduction

La strongyloïdose est une infection à Strongyloides stercoralis (Fig. 1), un vers rond qui existe surtout en milieu tropical ou subtropical, mais également dans les pays ayant un climat tempéré (Tableau 3).

  • Chez les humains, deux espèces de nématodes parasites Strongyloides sont à l’origine de la strongyloïdose. Le pathogène le plus fréquent chez les humains étant S. stercoralis; S. fuelleborni est trouvé de façon sporadique en Afrique et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
  • Les larves contagieuses de S. stercoralis peuvent se reproduire dans l’intestin et être  à l’origine d’une auto-infection chez les patients positifs—l’auto-infection représente le fait majeur qui permet de différencier une strongyloïdose et d’autres helminthiases transmises par le sol macro parasitaires (STH). Les principales espèces à l’origine d’une infection chez les humains sont le vers rond (Ascaris lumbricoides), le trichocéphale (Trichuris trichiura), et l’ankylostome (Necator americanus et Ancylostoma duodenale) [1].
  • Le vers adulte male vit uniquement dans la terre. Il n’est pas un parasite tissulaire et ne se rencontre pas chez l’hôte humain.
  • Les femelles adultes sont très petites et presque transparentes. Elles mesurent approximativement 2.2–2.5 mm de long avec un diamètre de 50 µm et vivent enfoncées entre les entérocytes de l’intestin grêle chez l’humain.
  • Les larves infectieuses peuvent se reproduire dans la terre contaminée et infecter les individus qui y sont exposés.

La strongyloïdose est différente de toutes les autres sources d’infections helminthiques transmises par le sol, car la femelle peut se reproduire par parthénogenèse dans l’intestin et produire des larves rhabditiformes.

  • Les larves sont habituellement excrétées dans les selles, mais certaines peuvent murir jusqu’au stade filariforme et réinfecter l’hôte en pénétrant dans la dernière partie de l’intestin ou dans la peau péri-anale (cycle auto infectieux).
  • En fonction de la réponse immunitaire de l’hôte, cela peut conduire à une dissémination et à une hyper infection (Tableau 4).

Il y a deux étapes importantes dans le cycle de vie du ver, l’étape rhabditiforme et l’étape filariforme (Figs. 2, 3).

2.1  Helminthe transmis par le sol

La strongyloïdose a une voie d’infection qui est similaire à celle d’autres helminthes transmis par le sol, mais elle nécessite d’autres outils diagnostiques en plus de la microscopie et nécessite un autre genre de traitement. Il y a eu une réduction notable de la prévalence de la strongyloïdose dans les régions où une chimiothérapie préventive par ivermectine a été introduite afin de limiter l’onchocercose ou la filariose lymphatique [610]. Le Comité OMS d’experts sur la sélection et l’utilisation de médicaments essentiels a ajouté l’ivermectine à sa liste, y compris en combinaison avec l’albendazole, pour le traitement de la strongyloïdose. Quelque 900 millions de personnes reçoivent actuellement ce traitement combiné dans le cadre des campagnes visant les maladies tropicales négligées (NTD ; neglected tropical disease) [11].

2.2  Pathophysiologie

Strongyloides stercoralis a un cycle de vie unique et complexe. La Figure 4 montre les voies de réplication du S. stercoralis.

Le cycle de vie du Strongyloides est plus complexe que celui de la plupart des nématodes avec une alternance entre une génération libre et une génération parasite et une potentialité d’auto-infestation et de reproduction à l’intérieur de l’hôte. Deux types de cycle peuvent exister:

  • Cycle à vie libre. Les larves rhabditiformes passées dans les selles peuvent se transformer deux fois et devenir des larves filariformes infestantes (développement direct) ou se transformer quatre fois et devenir des adultes libres, mâles ou femelles libres qui se reproduisent et pondent des oeufs dont éclosent des larves rhabditiformes. Ces dernières peuvent à leur tour devenir une nouvelle génération d’adultes libres ou des larves filariformes infestantes. Les larves filariformes pénètrent à l’intérieur de la peau de l’hôte humain pour initier le cycle parasitaire.
     La phase génération libre du cycle de vie du nématode se limite uniquement à une génération [13]. Cette particularité de la strongyloïdose comporte des conséquences importantes tant pour le traitement des personnes infectées que pour la protection de l’environnement en évitant sa transmission, ce qui veut dire que c’est vital d’avoir un traitement d’éradication hautement efficace afin d’éliminer toutes les formes viables de l’organisme chez l’individu infecté.
  • Cycle parasitaire. Les larves filariformes qui sont dans un sol souillé pénètrent dans la peau de l’humain et sont transportées dans les poumons où elles pénètrent dans les espaces alvéolaires; elles sont transportée à travers les bronches au pharynx où elles sont avalées ce qui leur permet d’atteindre l’intestin grêle. Là, elles se transforment deux fois et deviennent des vers femelles adultes. Les femelles vivent enfoncées dans l’épithélium de l’intestin grêle et par parthénogenèse elles pondent des oeufs qui donnent naissance à des larves rhabditiformes. Celles-ci peuvent passer dans les selles (voir Cycle à vie libre ci-dessus) ou causer une auto-infection. Dans ce cas, les larves rhabditiformes deviennent des larves filariformes infectantes qui peuvent pénétrer dans la muqueuse intestinale (auto-infection interne) ou dans la peau de la région péri-anale (auto-infection externe) ; dans les deux cas, les larves filariformes peuvent emprunter les voies décrites précédemment, en passant successivement aux poumons, aux bronches, au pharynx et à l’intestin grêle, où elles deviennent par maturation des adultes pour se disséminer largement dans l’organisme. Actuellement l’occurrence d’auto-infection chez l’humain est reconnue seulement dans le cas d’infections helminthiques par Strongyloides stercoralis et par Capillaria philippinensis. S. stercoralis est beaucoup plus fréquent et plus répandu. Dans le cas d’une strongyloïdose, l’auto-infection peut expliquer l’existence d’infections qui persistent pendant de nombreuses années chez les patients qui n’ont pas été en zones endémiques depuis longtemps (la durée la plus longue connue à ce jour est de 65 années) et la morbidité potentiellement mortelle de l’hyper-infection chez les patients immuno-immunodéprimés, les deux étant inhabituels pour des infections par des vers.

2.3  Fardeau de la maladie et endémie

La strongyloïdose est endémique dans les régions tropicales et subtropicales (Figs. 58) et sa prévalence est probablement beaucoup plus élevée que le chiffre de cent millions de personnes cite auparavant: des estimations plus élevées allant jusqu’à 370 millions de personnes ont été évoquées dans la littérature [2]. Elle est également largement répandue en Europe de l’Est et on a fait état de foyers disséminés de l’infection chez les personnes âgées dans la région méditerranéenne.

Nous savons peu de choses en ce qui concerne la prévalence de l’infection et encore moins concernant le poids clinique en termes de morbidité. Si elle est effectivement largement répondue, le risque d’hyper-infection iatrogène (chez un patient sous traitement immuno-supresseur relève d’un défi. Il est estimé que jusqu’à 40% de la population dans certains régions des tropiques et des sub-tropiques seraient infectées [14].

Les infections chez les migrants peuvent survenir dans n’importe quel pays et peuvent représenter un danger potentiel au niveau mondial. N’importe quel cabinet médical peut ainsi être confronté à des cas de la maladie.

2.4  Facteurs de risque et groupes à risque d’infection

Le plus grand facteur de risque en général est représenté par un status socio-économique défavorable dans un environnement où la strongyloïdose est endémique.

  • La pauvreté, les pauvres conditions de logement, une mauvaise condition d’hygiène ; marcher pieds nus, vivre dans un milieu où la défécation en plein air est pratiquée
  • Les prisonniers de guerre
  • Le status de réfugié—en particulier les réfugiés venant des pays où la strongyloïdose est endémique
  • Voyageurs à destination ou en provenance de régions endémiques
  • Certaines études ont mentionné comme facteur de risque le sexe masculin, un âge avancé, une transmission animal-humain, les climats humides dans les régions tropicales ou subtropicales [17]

2.5  Facteurs de risque et groupes à risque d’une infection disséminée

  • Immunosuppresseurs—en particulier corticostéroïdes, mais aussi tacrolimus et agents chimio thérapeutiques
  • Patients avec immunité cellulaire altérée
  • Infection au HTLV type 1
  • Néoplasmes, surtout hématologiques (lymphome, leucémie)
  • Greffe d’organe (receveur d’allogreffe du rein)
  • Facteurs de risqué mineurs/possibles: maladies du collagène vasculaires, malabsorption et malnutrition, maladie rénale en phase terminale, diabète de type 2, facteurs locaux, diverticules et anses borgnes (strongyloïdose qui persiste dans un boucle de l’intestin)

2.6  Strongyloïdose chez les patients immunodéprimés

Les diverses formes de strongyloïdose peuvent présenter des variations allant d’asymptomatique à sévère et peuvent conduire à un syndrome d’hyper-infection et à une maladie disséminée qui sont associés à un taux de mortalité élevé chez les patients immunodéprimés.

De nombreux patients atteints d’arthrose rhumatoïde, d’asthme bronchique et de glomérulonéphrite vivent sous les tropiques où ils sont sous traitement de stéroïdes au long cours. Ils peuvent également acheter les stéroïdes directement à la pharmacie.

La strongyloïdose n’est pas une infection opportuniste importante associée avec le SIDA (AIDS), mais c’est une infection opportuniste associée au virus T-lymphotropique humain type 1 (HTLV-I) [19]. Même si les patients avec le virus du VIH/SIDA (HIV/AIDS) peuvent souffrir d’une strongyloïdose disséminée ou d’un syndrome d’hyper-infection, les études observationnelles n’ont pas pu démontrer un risque accru dans cette population [20].

2.7  Mortalité et morbidité

La strongyloïdose aiguë est souvent asymptomatique et peut rester cachée pendant des décennies. Les patients immuno-compétents présentent souvent une infection chronique asymptomatique pendant toute leur vie s’ils ne sont pas traités.

Les infections chroniques représentent potentiellement une cause importante de morbidité non déclarée officiellement. Il y également un manque d’outils diagnostiques efficaces, qui sont souvent encombrants et qui ont un faible niveau de sensibilité, ce qui veut dire que la vraie prévalence de l’infection et son taux de morbidité ne sont en effet pas connus. La strongyloïdose est considérée comme une maladie rare et de ce fait il n’y a eu que peu d’investissement dans des études diagnostiques ou épidémiologiques, notamment chez les enfants.

La strongyloïdose cliniquement apparente peut avoir des symptômes cutanés, gastro-intestinaux et pulmonaires.

3. Signes physiques et symptômes

L’essentiel pour diagnostiquer une strongyloïdose (Tableau 5) est de la soupçonner—le diagnostic de strongyloïdose ne peut être posé avec certitude que lorsque le  parasite a été identifié dans les selles. Si la charge parasitaire est faible, et en raison du déversement intermittent de larves dans les selles, il est souvent impossible de détecter le ver si l’examen est limité à une seule et unique selle. Une analyse répétée sur 3 jours est nécessaire. Il est important d’effectuer une mesure du taux de globules blancs dans le sang (WBC), ainsi que pour détecter une éventuelle éosinophilie (élevée chez 50% de patients).

L’éosinophilie d’un patient peut prêter à la confusion: elle peut être un signe très utile pour diagnostiquer une infection simple, non compliquée mais elle est fréquemment absente lors d’une strongyloïdose disséminée.

4. Diagnostic et diagnostic différentiel

L’évidence souligne la nécessité de surveiller les patients présentant une éosinophilie même si ceux-ci n’ont pas vécu ni voyagé dans une région endémique [22].

Plusieurs méthodes diagnostique ont été développées au fil des années; leur usage dépend de leur disponibilité localement ainsi que du niveau d’expertise à disposition : string tests, aspiration duodénale, biopsie duodénale, lavage broncho-alvéolaire (BAL), tests immuno-diagnostiques et examens répétés des selles par divers moyens.

La prévalence globale de l’infection par Strongyloides stercoralis a longtemps été sous-estimée, probablement en raison de la confiance dans l’examen microscopique direct des selles ainsi que dans la procédure Kato–Katz, qui sont souvent utilisés dans les études sur la prévalence mais qui ne sont pas aptes à détecter S. stercoralis [23]. Les examens de selles utilisés le plus souvent ont une très faible sensibilité. L’examen par microscopie peut être amélioré par l’examen de plusieurs échantillons de selles, ainsi que par l’utilisation de techniques de concentration [24], mais la sensibilité demeure faible.

Dans les pays à revenu bas/intermédiaire, ainsi que dans les pays développés, le nombre de professionnels de la santé ayant un bon niveau d’expérience dans l’identification microscopique de parasites semble diminuer.

  • Le recours à des diagnostics moléculaires, toujours à la traîne derrière la virologie ou la bactériologie, devrait augmenter dans le domaine de la parasitologie.
  • Un niveau de sensibilité optimal du diagnostic moléculaire de S. stercoralis n’a pas encore été atteint.
  • Le diagnostic moléculaire ne remplacera probablement pas complètement les autres méthodes diagnostiques.
  • Les analyses sérologiques montrent actuellement le niveau de sensibilité  le plus grand et sont importantes dans le cadre du dépistage de S. stercoralis et l’évaluation de la guérison [23].

Lodh et al. [25] ont montré que l’ADN de S. stercoralis (DNA) peut être mis en évidence dans l’urine. Quand ils seront à disposition et s’ils montrent un niveau de sensibilité suffisant, les tests à base d’échantillons d’urine pourraient s’avérer très utiles car ils sont beaucoup moins exigeants en main-d’œuvre et en ressources et le risque pour la santé inhérent à l’examen de selles fraîches serait éliminé [25].

4.1 Examens des selles

Un diagnostic définitif de strongyloïdose est posé par la découverte microscopique de larves dans les selles, dans le liquide duodénal, et occasionnellement dans d’autres tissus ou liquides (Tableaux 7, 8; Figs. 10, 11). Un seul examen peut cependant s’avérer peu sensible en raison d’une densité de larves basse [26].

Il existe plusieurs techniques pour identifier les larves dans les selles par microscopie:

  • Microscopie après concentration
  • Technique ou méthode de Baermann (encore considérée comme la méthode de choix (« gold standard »))
  • Technique de concentration par Formalin–ether (FECT)
  • Microscopie après culture
  • Technique de Harada–Mori avec filtre de papier
  • Technique de Koga avec cultures sur agar
  • Microscopie directe
  • Utilisation du microscope stéréoscopique afin de visualiser les larves sur les plaques d’agar
  • Frottis direct des selles dans une solution saline à coloration au iode de Lugol

L’usage de ces méthodes dépend de la disponibilité des ressources locales et, en particulier, du niveau d’expertise du microscopiste localement.

L’analyse des selles pour Strongyloides par la méthode de Baermann et la culture Koga agar représentent les meilleures méthodes de diagnostic par les selles sur le terrain actuellement. Ces méthodes permettent la détection du parasite avec un plus grand taux de sensibilité que les autres examens des selles.

  • La PCR est prometteuse mais pas encore standardisée; il existe des craintes en ce qui concerne sa sensibilité qui montre des variations entre les différentes études.
  • Anamnart et al. [27] ont étudié la stimulation de l’excrétion des larves de S. stercoralis dans les selles par l’administration orale d’une dose unique de 400 mg d’albendazole et ont suggéré que l’utilisation de l’albendazole en combinaison avec la technique de concentration formol-éther (FECT) pourrait être utile chez les patients avec une strongyloïdose suspectée asymptomatique—y compris chez les patients avec une diarrhée chronique inexpliquée, chez les patients de retour de voyage dans les régions endémiques et chez les patients chez qui les autres tests parasitologiques sont restés négatifs tests [27].

4.2  Sérodiagnostic de la strongyloïdose

Les tests sérologiques ont montré un niveau de sensibilité accru par comparaison avec la méthode de Baermann et les cultures sur plaque d’agar, mais certains auteurs ont exprimé des doutes quant à leur niveau de spécificité [20].

  • Beaucoup de tests sérologiques ont montré une réaction croisée avec les parasites filariformes, les schistosome et l’Ascaris lumbricoides, diminuant ainsi la spécificité de ces tests.
  • Il est parfois difficile à distinguer entre les cas actifs et les cas historiques car les anticorps peuvent persister pendant un certain temps.
  • Des tests sérologiques plus spécifiques utilisant les antigènes recombinants ont été développés et sont en cours de développement et sont à disposition dans certains laboratoires d’analyse.
  • Les tests sérologiques montrent typiquement une nette baisse dans les titres à 6–12 mois après l’éradication du parasite et peuvent ainsi être utilisés pour l’évaluation de la guérison [20].

La méthode sérodiagnostique la plus commode et la plus utilisée est le dosage immuno-enzymatique (ELISA) qui permet d’identifier l’immunoglobuline G (IgG) sur un extrait brut de larves filariformes. ELISA est exigeant en main-d’œuvre et nécessite un certain niveau d’infrastructures en termes de laboratoire pour sa pratique ainsi que pour l’interprétation des résultats et ceci a freiné son applicabilité, notamment dans les  régions où la strongyloïdose est endémique [26]. De plus, les tests sérologiques ne sont pas très utiles dans le cadre du suivi après guérison dans les régions endémiques vu la possibilité de réinfection.

4.3  Diagnostic différentiel

De nombreuses pathologies produisent des symptômes similaires, telles les diarrhées aiguës et chroniques et les malabsorptions, les autres causes d’éosinophilie et les autres causes de septicémie sévère à gram négatif. Il faut penser aux affections suivantes lors du diagnostic différentiel:

  • Infections intestinales—amibiases, colite bactérienne, Shigella, Campylobacter, Yersinia, Clostridium difficile; cf le guideline de l’OMG (WGO) sur les diarrhées aiguës, tableau 4 [30].
  • Infections à ankylostomes non humains avec production de larva migrans cutanées—qu’on peut distinguer des larva currens du S. stercoralis par l’absence de desquamation, la migration rapide, l’atteinte du périnée et les bandes larges d’urticaires des larva currens.
  • Maladies inflammatoires de l’intestin.
  • Syndrome de l’intestin irritable.
  • Troubles abdominaux fonctionnels.
  • Les médicaments—les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS/NSAID) et beaucoup d’autres—peuvent être la cause d’une éosinophilie.

Le point fondamental dans le diagnostic est de penser à une strongyloïdose comme diagnostic potentiel et d’identifier le parasite directement ou par des tests sérologiques/moléculaires.

5. Prise en charge de la strongyloïdose

  • On ne peut s’attendre à une guérison spontanée en raison du cycle de vie unique auto infectant du parasite.
  • Il convient de traiter tous les patients avec une strongyloïdose, même si celle-ci est asymptomatique, en raison du risque d’hyper infection—une complication potentiellement mortelle.
  • Un diagnostic fiable chez les patients à risque est nécessaire afin de pouvoir reconnaître la maladie et la traiter avant d’instaurer un traitement immunosuppresseur ou chez les patients avec HTLV-I ou le virus de l’immunodéficience humaine (VIH/HIV).
  • Si un traitement immunosuppresseur d’urgence est nécessaire chez un patient avec une strongyloïdose non diagnostiquée auparavant, et que des tests diagnostiques ne peuvent pas être effectués rapidement (peu d’hôpitaux sont à même d’effectuer une sérologie le jour même), il faut envisager d’instaurer un traitement présomptif par ivermectine.
  • La guérison peut être obtenue avec une dose unique d’ivermectine.
  • Un échec du traitement par ivermectine est généralement dû à une déficience du système immunitaire de l’hôte (fréquente chez les patients avec une infection HTLV-I) [26,31].

5.1  Strongyloïdose non compliquée

Le traitement de la strongyloïdose (Tableau 9) est difficile car, contrairement aux autres infections par helminthes, les Strongyloides doivent être complètement éradiqués.

  • Une éradication complète est difficile à obtenir en raison de la faible charge de larves et de la production de larves irrégulière.
  • Une guérison complète ne peut pas être prononcée sur la seule base d’un examen négatif des selles—il faut également pouvoir constater une diminution des titres sérologiques et de l’éosinophilie.
  • Une recherche unique de strongyloïdose dans les selles s’est révélée négative dans le 70% des cas connus de strongyloïdose. Un diagnostic fiable nécessite plusieurs examens de selles, probablement un minimum de trois, avec un technique fiable.

  • Le suivi est un problème dans les régions tropicales et peut devenir la méthode de choix uniquement si les examens de selles sont à disposition.
  • Albendazole (400 mg 2x/jour pendant 3 jours) est parfois utilisé comme traitement alternatif ou en tant que traitement de compromis [33,34]. Cependant, l’efficacité de l’albendazole dans le traitement de la strongyloïdose a été démontré très basse en comparaison à celle de l’ivermectine et il ne devrait être utilisé que s’il n’existe aucune alternative [35].

5.2  Hyper-infection ou infection disséminée

Ces termes peuvent probablement être employée de manière indifférenciée, bien que certains auteurs prétendent qu’ils décrivent deux aspects différents de l’infection (hyper infection: niveau élevé de larves dans les parties du corps habituelles; dissémination: présence de larves dans n’importe quelle partie du corps, même dans les parties qui ne sont d’habitude pas concernées dans le cadre du cycle parasitique). En effet, les deux sont associées à une charge en parasites très élevée et une extension rapide de l’infection—d’ordinaire chez des patients immunodéprimés et souvent associées à un traitement par corticostéroïdes. L’hyper infection comporte un risque élevé de septicémie à gram négatif et en conséquence on utilise des antibiotiques à large spectre en particulier pour prévenir une méningite bactérienne.

Ivermectine a été administrée avec succès par voie sous cutanée chez les patients gravement atteints d’une hyper infection ou d’une strongyloïdose disséminée et qui ne peuvent pas prendre leurs médicaments par voie orale [36]. L’ivermectine est à administrer quotidiennement pendant au moins 14 jours, la durée totale du traitement dépendant du moment où l’examen microscopique des liquides corporels pour les larves précédemment positifs devient négatif (selles ou urines ou autres en cas d’hyper infection) [37].

5.3  Prévention et contrôle de la maladie

On prévient l’infection en évitant le contact direct de la peau avec un sol contenant des larves infectieuses. Les personnes à risque, spécialement les enfants, devraient porter des sandales lorsqu’elles marchent sur des sols souillés. Il faut identifier les patients à risque et conduire des tests diagnostiques appropriés avant de commencer une thérapie immunosuppressive.

Les personnes en contact familier avec des patients ne risquent pas d’infection. Un traitement approprié des excréments humains réduit substantiellement la prévalence de la strongyloïdose.

Il n’existe ni prophylaxie ni vaccin.

Il faut observer les précautions de base chez les patients hospitalisés pour strongyloïdose. Toutes les personnes entrant potentiellement en contact avec les selles de ces patients devraient porter des gants et des blouses et se laver les mains soigneusement [20].

  • Détection précoce de l’infection par S. stercoralis et un traitement efficace.
  • Dépistage des patients à risque pour une strongyloïdose chronique avant d’instaurer un traitement immunosuppresseur, en particulier par les corticostéroïdes.
  • Une chimiothérapie préventive pour l’infection par S. stercoralis n’est pas encore recommandée par l’OMS et elle n’est pas non plus incluse dans la stratégie de contrôle pour les infections à helminthes transmises par le sol. Des effets bénéfiques ont cependant été démontrés sur la prévalence de S. stercoralis avec des programmes d’élimination de filariose lymphatique et d’onchocercose utilisant des chimiothérapies préventives à répétition avec ivermectine/albendazole ou avec ivermectine seule [38].
  • Une évaluation appropriée d’un traitement utilisant les examens de selles (avec des tests hautement sensibles tels la technique de Baermann, culture sur papier filtre et culture sur plaques d’agar) et un suivi par sérologie spécifique pour les IgG pendant 1–2 ans [39].
  • Les programmes de traitement présomptif chez les réfugiés venant de pays où les parasites intestinaux sont endémiques (ankylostomes, Trichuris trichiura, Ascaris lumbricoides, et Strongyloides stercoralis) [40].
  • La mise en place et l’usage des systèmes de l’élimination des déchets sûrs demeurent importants [41].
  • Porter les chaussures pourrait interrompre la transmission de la strongyloïdose mais il existe certaines régions où le port de chaussures n’est pas acceptable sur le plan culturel, en particulier dans les pays chauds, et il faudrait donc évaluer d’autres méthodes de contrôle de l’environnement [42]. Les gens qui n’ont pas de chaussures n’ont souvent pas non plus de chaises et les fesses deviennent ainsi un moyen de transmission.
  • Dépister une résistance aux antihelminthiques à un stade précoce. Il existe différents méthodes in vivo et in vitro pour confirmer une suspicion de résistance et des tests de laboratoires spécifiques peuvent être utilisés sur le terrain afin de confirmer ou non une suspicion de résistance—par exemple comme ceux décrits dans les recommandations et les guidelines de l’étude Advancement of Veterinary Parasitology (WAAVP) [4345].

L’étude de Forrer et al. [46] a montré qu’un traitement communautaire par ivermectine à dose unique pour S. stercoralis associé à des mesures d’assainissement réduit efficacement le risque d’infection dans les communautés rurales au Cambodge, avec plus de 85% de villageois restant négatifs une année après traitement. Le contrôle de l’infection est faisable et hautement bénéfique, en particulier en combinaison avec une amélioration de l’état sanitaire [46].

L’étude de Khieu et al. [47] a permis de montrer que les individus disposant d’une latrine chez eux sont infectés par S. stercoralis beaucoup moins fréquemment que ceux qui n’en disposent pas. Le risque attribuable dans la population pourrait être réduit par 39% si tous les participants utilisaient une latrine pour la défécation [17,47].

Croker et She ont noté que la prévalence élevée d’éosinophilie parmi les personnes avec une infection par Strongyloides latente dans le comté de Los Angeles souligne l’importance d’un dépistage chez les individus avec éosinophilie chez qui les causes les plus habituelles ont été exclues [48].

Le StrongNet [38], un réseau international visant à améliorer le diagnostic et l’accès au traitement pour contrôler la strongyloïdose, préconise un meilleur diagnostic approprié aux conditions locales ainsi qu’une disponibilité d’ivermectine à grande échelle pour contrôler la strongyloïdose dans les régions endémiques. Grâce à leurs efforts, l’ivermectine a récemment été inclue dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS (WHO Essential Medicines List) pour le traitement de la strongyloïdose ; l’objectif final est de développer une stratégie de contrôle de santé publique et d’inclure S. stercoralis dans la stratégie de chimiothérapie préventive de l’OMS pour les infections à helminthes transmises par le sol.

5.4  Prognostic

Les strongyloïdose aiguës et chroniques ont un bon pronostic. Cependant si elle n’est pas traitée, l’infection peut subsister pour le reste de la vie du patient à cause du cycle d’auto-infection. L’absence prolongée d’une zone endémique ne garantit pas une absence d’infection. Une infection disséminée aiguë est d’ordinaire fatale et souvent elle ne répond pas au traitement.

L’immunosuppression constitue un risque pour une accélération de l’auto-infection dans la strongyloïdose chronique. Cela peut entraîner un syndrome de type sepsis, une hyper infection par S. stercoralis et la dissémination des larves aux organes distants tels le système nerveux central avec une méningite à S. stercoralis [49].

6. Appendix

6.1  Abréviations

6.2  Guideline de référence (« gold standard »)

6.3  Références

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